
Santé sexuelle et hormonale
Les sports d'endurance tuent ta testostérone?
Maximiser les bénéfices des sports d'endurance sans compromettre sa santé

par
Julien Martel
2 avril 2024
10
min
Les sports d'endurance comme la course à pied, le cyclisme et le triathlon sont reconnus pour leurs nombreux bienfaits sur la santé. Cependant, une pratique excessive ou mal gérée de ces activités peut entraîner des effets secondaires indésirables, notamment sur la fonction reproductive masculine. De nombreuses études ont en effet mis en évidence un lien entre l'entraînement d'endurance intense et une baisse des niveaux de testostérone chez les hommes, pouvant affecter leur libido et leur fertilité. Pourquoi?
Chez la femme sportive, ce phénomène est bien connu sous le nom de "Female Athlete Triad", un syndrome associant une faible disponibilité énergétique, des troubles menstruels et une faible densité minérale osseuse. Des données émergentes suggèrent qu'un syndrome parallèle pourrait exister chez les hommes athlètes sous-alimentés, se traduisant par une hypogonadisme hypogonadotrope et une altération de la densité osseuse.
Le concept de "Relative Energy Deficiency in Sport" (RED-S) a été développé par le Comité Olympique International pour englober à la fois le female athlete triad et les manifestations similaires observées chez les hommes. Ce modèle plus large décrit un état de déficit énergétique relatif dans le sport, pouvant altérer de multiples systèmes physiologiques tels que le métabolisme, la fonction reproductive, la santé osseuse, l'immunité, la synthèse protéique et la santé cardiovasculaire et psychologique.

Tiré de cette étude
Bien que le RED-S soit mieux documenté chez les femmes, ses manifestations chez les hommes sont plus difficiles à détecter et restent sous-étudiées. Contrairement aux femmes qui présentent un signe extérieur évident avec l'aménorrhée, les hommes n'ont pas d'indicateur aussi clair d'un dysfonctionnement de leur système reproducteur. Pourtant, des études ont montré que les athlètes masculins peuvent développer une suppression de leur fonction reproductive comparable à celle observée dans le female athlete triad, après ajustement des différences liées au sexe.
Pas seulement les sports d’endurance
Historiquement, dès les années 1980, il avait été reconnu que certains sports semblaient être associés à une diminution mesurable de testostérone chez les athlètes masculins. Les athlètes à risque sont ceux qui pratiquent des sports où il y a une restriction calorique intentionnelle ou non pour contrôler le poids corporel.
Les lutteurs en particulier sont une population à haut risque en raison des pratiques fréquentes de restriction calorique sévère et de déshydratation rapide pour faire le poids dans leur catégorie. Même les powerlifters qui cherchent à rester dans une catégorie de poids donnée peuvent également être à risque s'ils restreignent trop leurs apports caloriques pendant les périodes de perte de poids. Naturellement les sports d’endurance, de par le nature énergivore, mettent les athlètes à risque d’être en déficit calorique relatif, surtout dans les blocs d’entraînement intensif.
L’hypogonadisme lié à l’exercice
L'hypogonadisme lié à l'exercice, aussi appelé "Exercise Hypogonadal Male Condition" (EHMC), se réfère à une suppression réversible du système hormonal reproducteur chez les athlètes masculins due à un entraînement excessif et une faible disponibilité énergétique.
Voici les principales caractéristiques de l'EHMC :
- Faibles niveaux de testostérone - Les taux de testostérone totale et biodisponible sont réduits par rapport aux hommes sédentaires ou aux athlètes avec un apport énergétique adéquat.
- Sécrétion de LH (hormone lutéinisante) supprimée - La pulsatilité et l'amplitude de la LH sont diminuées, altérant la stimulation de la production de testostérone par les testicules.
- Baisse de la libido/désir sexuel - Les faibles niveaux de testostérone peuvent entraîner une diminution de l'intérêt et du fonctionnement sexuels.
- Perturbation potentielle de la spermatogenèse - Bien que pas toujours rapportée, certaines études ont trouvé une numération de spermatozoïdes réduite chez les hommes avec EHMC.
La cause sous-jacente serait un déficit énergétique résultant de la combinaison d'une dépense énergétique élevée liée à l'exercice et d'un apport calorique inadéquat pour compenser. Ce déficit énergétique perturbe la libération pulsatile normale de l'hormone de libération des gonadotrophines hypothalamiques, ce qui à son tour supprime la LH et la production de testostérone.
L'EHMC est considéré comme une condition réversible, les niveaux hormonaux reproducteurs pouvant revenir à la normale une fois le déficit énergétique corrigé en réduisant la charge d'entraînement et/ou en augmentant l'apport calorique. Il représente un mécanisme d'adaptation pour préserver l'énergie pour les fonctions vitales lorsque la disponibilité énergétique est compromise. Autrement dit, ton corps est tellement stressé, que ce n’est pas le temps de se reproduire!

Tiré de cette étude
Le concept de disponibilité énergétique (Energy Availability - EA)
L'Energy Availability (EA) représente l'énergie restante pour les processus physiologiques de base après avoir soustrait les dépenses énergétiques liées à l'exercice de l'apport énergétique total. Elle se calcule selon cette formule :
EA = (Apport énergétique (kcal) - Dépense énergétique liée à l'exercice (kcal)) / Masse maigre (kg)
Voici une ressource en ligne