
Prévention clinique
Les plus récentes avancées en médecine de la longévité
Je revois 6 grandes catégories et quelques modes pas rapport.

par
Julien Martel
13 février 2025
15
min
Les plus récentes avancées en médecine de la longévité (2025 et au-delà)
La science de la longévité entre dans une ère passionnante. Dans les laboratoires et les cliniques du monde entier, des chercheurs repoussent les limites de ce qui est possible pour prolonger une vie en bonne santé. Des thérapies de modification génétique qui inversent les marqueurs du vieillissement jusqu’aux algorithmes d’IA qui débusquent la prochaine molécule anti-âge, les progrès s’accélèrent.
Cette revue couvre six grands axes de la médecine de la longévité en 2025 : les dernières avancées en thérapie génique et en reprogrammation épigénétique, les sénolytiques pour éliminer les cellules « zombies », la découverte de médicaments propulsée par l’IA, les produits pharmaceutiques prometteurs pour la longévité, les données probantes sur l’alimentation et le jeûne, et un regard critique sur les tendances populaires des médias sociaux. Allons-y.
Thérapie génique & Reprogrammation épigénétique
CRISPR et inversion génétique du vieillissement
La thérapie génique progresse pour s’attaquer au vieillissement à sa source – notre ADN. Un exemple remarquable est l’utilisation de l’édition de base (base editing) par CRISPR pour traiter la progéria, une maladie de vieillissement accéléré. Dans une étude parue dans Nature en 2021, des chercheurs ont corrigé une seule lettre d’ADN chez des souris atteintes de progéria grâce à un « éditeur de base à l’adénine » (adenine base editor), prolongeant de façon spectaculaire la durée de vie des animaux. Les souris traitées ont vécu 2,5 fois plus longtemps que les souris non traitées – passant d’environ 7 mois à près de 1,5 an (soit presque l’équivalent d’une vieillesse normale chez la souris) avec un seul traitement (In vivo base editing rescues Hutchinson–Gilford progeria syndrome in mice). David Liu, dont le laboratoire a dirigé ces travaux, a souligné que ce degré de prolongation de la durée de vie chez un mammifère est « sans précédent ».
Bien que la progéria soit rare, ce succès nourrit l’espoir que l’édition d’ADN dans le vieillissement normal pourrait prévenir ou inverser certains changements liés à l’âge. Inutile pour l’instant de commander votre kit CRISPR à domicile : le vieillissement chez l’humain est bien plus complexe.
Les chercheurs explorent aussi l’utilisation de CRISPR pour stimuler les gènes associés à la longévité (par exemple, l’apport de copies supplémentaires de gènes favorisant la jeunesse, comme Klotho ou FGF21, via des vecteurs viraux). Dans des études préliminaires chez la souris, l’association de telles thérapies géniques a amélioré plusieurs maladies liées à l’âge simultanément (A single combination gene therapy treats multiple age-related diseases - PMC), ce qui laisse penser que des interventions multi-géniques pourraient allonger la durée de vie en bonne santé. Bien que les essais cliniques visant spécifiquement la « réversion du vieillissement » ne soient pas encore d’actualité, les premières thérapies CRISPR pour des maladies liées à l’âge (p. ex. certaines formes génétiques de cécité ou de troubles du cholestérol) sont en cours de développement, posant les bases pour des applications anti-âge plus larges.
Reprogrammation épigénétique – Revenir en arrière sur l’horloge cellulaire
Les avancées les plus spectaculaires proviennent sans doute de la reprogrammation cellulaire partielle, une technique qui rajeunit les cellules en exprimant brièvement des gènes embryonnaires. En activant de façon transitoire les facteurs de Yamanaka (un ensemble de quatre gènes utilisés pour générer des cellules souches), les scientifiques ont découvert qu’ils pouvaient réinitialiser l’âge épigénétique d’une cellule sans lui faire perdre son identité. En laboratoire, des cellules humaines âgées, traitées avec une courte impulsion de ces facteurs, retrouvent des profils de méthylation de l’ADN et d’expression génique caractéristiques de cellules plus jeunes.
Mieux encore, chez l’animal, cette approche s’avère prometteuse. Dans une étude phare, des souris plus âgées ont retrouvé une vision rajeunie après une thérapie génique de reprogrammation épigénétique : l’activation de trois facteurs de Yamanaka (OSK) dans les nerfs rétiniens endommagés a inversé la perte de vision, tant dans un modèle de glaucome que chez des souris naturellement vieillies (Reprogramming to recover youthful epigenetic information and restore vision - PMC).
Les souris âgées traitées ont recouvré la fonction rétinienne, prouvant que la détérioration liée à l’âge pouvait être inversée au niveau cellulaire.Un article de synthèse paru en 2023 indique que la reprogrammation partielle peut rajeunir plusieurs marqueurs du vieillissement – améliorer la régénération tissulaire, réinitialiser les horloges épigénétiques, et même prolonger la vie dans certains modèles animaux (Partial cellular reprogramming: A deep dive into an emerging rejuvenation technology - PMC). Ces découvertes laissent entendre que les cellules conservent une « copie de sauvegarde » de leur état jeune, à laquelle nous pourrions accéder pour réparer les dommages liés à l’âge.
Pour l’heure, tout cela reste à un stade précoce. Une reprogrammation continue peut entraîner des tumeurs ou d’autres problèmes, et les chercheurs peaufinent donc leurs méthodes pour obtenir un effet rajeunissant sans danger. Malgré tout, les progrès sont enthousiasmants. Des laboratoires universitaires et de nouvelles entreprises (p. ex. Altos Labs et d’autres) s’empressent de traduire la reprogrammation épigénétique en thérapies contre les maladies liées à l’âge. Dans les années à venir, nous pourrions voir des essais cliniques visant à régénérer des organes défaillants ou à réinitialiser certains marqueurs du vieillissement chez l’humain. Les thérapies géniques et l’ingénierie épigénétique sont passées de la science-fiction à des résultats concrets en laboratoire, ce qui en fait l’un des volets les plus déterminants de la recherche sur la longévité.
Sénolytiques & Rajeunissement cellulaire
Les cellules zombies et le vieillissement
En vieillissant, certaines cellules de notre organisme deviennent sénescentes – elles cessent de se diviser mais refusent de mourir. Ces « cellules zombies » s’accumulent dans les tissus et sécrètent des facteurs inflammatoires nuisibles aux cellules voisines. On sait aujourd’hui qu’elles constituent l’un des grands moteurs du vieillissement et des problèmes connexes (de l’arthrose à la fibrose pulmonaire).
C’est là qu’interviennent les sénolytiques : des médicaments ou interventions capables de détruire sélectivement ces cellules sénescentes pour rajeunir les tissus. Chez la souris, l’élimination de ces cellules a montré des bénéfices remarquables. En 2016, une expérience s’est appuyée sur un interrupteur génétique d’« autodestruction » pour éliminer périodiquement les cellules sénescentes chez des souris normales (oui, encore des souris). Résultat : les souris traitées ont vécu de 17 à 35 % plus longtemps que les témoins et sont restées en meilleure santé, avec un début de tumeurs retardé et une meilleure fonction organique. Éliminer seulement 30 % de ces « mauvaises actrices » suffisait à prolonger nettement la durée de vie et la durée de vie en bonne santé. Cette preuve de concept a lancé tout un champ de recherche visant à développer des médicaments sénolytiques.
Dernières recherches et essais cliniques
Des dizaines de composés sénolytiques ont été répertoriés, allant de certains médicaments de chimiothérapie réutilisés à des flavonoïdes naturels. Une combinaison, le dasatinib + la quercétine (D+Q), a montré chez la souris sa capacité à éliminer les cellules sénescentes et à améliorer la fonction cardiaque et vasculaire.
Pour la première fois, D+Q a été testé dans des essais cliniques randomisés chez l’humain. En 2023, des chercheurs de la Mayo Clinic ont rendu compte du premier essai contrôlé par placebo de sénolytiques chez des adultes en bonne santé plus âgés (Effects of intermittent senolytic therapy on bone metabolism in postmenopausal women: a phase 2 randomized controlled trial). Soixante femmes de plus de 65 ans ont reçu D+Q ou un placebo pendant 20 semaines. Le traitement a été bien toléré et a montré son effet sur les cellules sénescentes – et même amélioré certains marqueurs du métabolisme osseux et de la densité osseuse chez celles qui avaient un fardeau élevé de cellules sénescentes.
Plus précisément, une prise intermittente de D+Q a amélioré la formation osseuse (et chez les femmes ayant plus de cellules sénescentes, a augmenté la densité minérale osseuse du poignet) par rapport au placebo. D’autres essais préliminaires chez des personnes atteintes de fibrose pulmonaire ou de néphropathie diabétique (de petites études-pilotes) ont observé une amélioration de la fonction physique et des marqueurs d’organes après une thérapie sénolytique, même si des essais contrôlés de plus grande envergure sont nécessaires.
Cela dit, les sénolytiques ne sont pas une réussite systématique.
Unity Biotechnology, pionnière dans ce domaine, a obtenu des résultats contrastés – son médicament sénolytique pour l’arthrose du genou n’a pas atteint ses objectifs dans un essai de phase II, nous rappelant la difficulté de transposer les « miracles » observés chez la souris à l’humain (Kneecapped by Aging: New and Scrutinized Science Suggests Why ...). Unity s’est depuis recentrée sur les maladies oculaires, où son approche sénolytique (UBX1325) a montré des signes encourageants pour traiter l’œdème maculaire diabétique en améliorant la vision pendant près d’un an avec une seule injection (selon des résultats intérimaires 2023). Leçon plus large : les sénolytiques devront sans doute être adaptés à des pathologies spécifiques ou administrés au bon moment pour dévoiler leur plein potentiel.
Applications concrètes et perspectives
Le principe d’éliminer les cellules sénescentes est puissant parce qu’il s’attaque à une cause profonde du vieillissement. Imaginez prendre périodiquement un traitement qui « nettoie » ces cellules âgées et toxiques – un genre de « ménage du printemps » pour vos tissus. Théoriquement, cela pourrait prévenir de multiples maladies liées à l’âge simultanément.
Chez la souris, les sénolytiques ont déjà montré qu’ils pouvaient retarder plusieurs maladies du vieillissement en même temps (p. ex. améliorer la fonction cardiaque, l’athérosclérose et la fragilité). Des entreprises développent des sénolytiques plus perfectionnés, notamment des PROTACs ou des thérapies géniques ciblant les cellules sénescentes exprimant P16INK4a. Certains laboratoires explorent les « sénomorphiques », des médicaments qui inhibent la sécrétion nocive de ces cellules sans les détruire, une approche plus douce.
Il est aussi évident que les sénolytiques ne constitueront pas une panacée universelle. Le récent essai de la Mayo Clinic a révélé que D+Q aidait surtout les personnes avec une forte charge de cellules sénescentes. Celles qui en avaient moins ont observé moins de bénéfices. À l’avenir, il pourrait donc falloir repérer via des biomarqueurs les patient·e·s qui possèdent un taux élevé de cellules sénescentes pour les traiter, et ajuster la posologie et le moment de l’intervention. Comme l’a souligné le Dr Sundeep Khosla, il est trop tôt pour se précipiter sur des suppléments de sénolytiques en vente libre.
Alors que des composés comme la quercétine et la fisétine sont commercialisés comme « pilules de longévité », nous ignorons encore les doses et les protocoles adéquats chez l’humain. Une utilisation irréfléchie pourrait même s’avérer risquée.Les essais cliniques en cours (par ex. D+Q pour la maladie d’Alzheimer, ou un peptide sénolytique pour la néphropathie diabétique) apporteront davantage de certitudes d’ici un an ou deux. Si les résultats restent positifs, les sénolytiques pourraient devenir l’une des premières vraies thérapies anti-âge à entrer en médecine courante – non pas en allongeant considérablement la durée de vie maximale, mais en retardant l’apparition de multiples maladies chroniques, prolongeant ainsi la durée de vie en bonne santé.
Découverte de médicaments assistée par IA
L’intelligence artificielle comme accélérateur de la longévité
J’adore l’IA, et ce domaine est taillé sur mesure pour elle : des interactions complexes et un espace de possibilités immense. Le processus classique de découverte de médicaments est lent et coûteux – il peut prendre une décennie et des milliards de dollars pour trouver une seule molécule innovante. En recherche sur la longévité, où il faudra peut-être toute une nouvelle classe de molécules (« géroprotecteurs »), c’est un frein majeur.
Or, ces dernières années, les modèles d’IA ont commencé à concevoir de nouvelles molécules, prédire leurs effets et identifier de nouvelles cibles thérapeutiques à un rythme jadis inimaginable. Par exemple, en 2022, la société de biotechnologie Insilico Medicine a annoncé qu’un composé conçu par IA (contre la fibrose, une maladie liée au vieillissement) était passé de l’idée initiale à un essai clinique de phase I en moins de 30 mois (From Start to Phase 1 in 30 Months | Insilico Medicine). Ce médicament, désormais en essai clinique pour la fibrose pulmonaire idiopathique, démontre que l’IA peut considérablement compresser les délais de développement.
La plateforme d’IA d’Insilico a non seulement identifié une nouvelle cible biologique pour la fibrose, mais elle a aussi généré la molécule capable de l’atteindre – le tout en environ 2 ans et demi. Une telle rapidité est sans précédent dans l’industrie pharmaceutique et offre un modèle pour dénicher de nouveaux médicaments visant la complexité du vieillissement.
Trouver des géroprotecteurs avec l'IA
Les chercheurs utilisent aussi l’IA pour analyser d’immenses jeux de données en génomique, protéomique et dossiers cliniques, afin d’y repérer des motifs – par exemple, des gènes ou des voies clés dans le vieillissement qu’il serait possible de cibler par des médicaments. Des « horloges de vieillissement » exploitant l’apprentissage profond peuvent déjà prédire l’âge biologique à partir de l’ADN ou d’analyses sanguines, aidant à déterminer si un médicament ralentit effectivement le vieillissement plutôt que de simplement traiter une maladie. De nouveaux modèles d’IA, basés sur la technologie des transformeurs (similaires à ceux qui alimentent ChatGPT, Claude ou Gemini), sont désormais adaptés à la biologie.
Une étude de 2024 a présenté « PreciousGPT (P3GPT) », un transformeur entraîné sur des données de vieillissement multi-espèces, capable de proposer des composés et des cibles potentielles pour lutter contre le vieillissement (Deep learning and generative artificial intelligence in aging research and healthy longevity medicine | Aging).
Lors d’une validation expérimentale, P3GPT a proposé 22 molécules candidates à tester sur des cellules sénescentes, et 8 d’entre elles ont effectivement montré des effets anti-âge en culture – en réduisant les facteurs nocifs sécrétés par ces cellules, sans pour autant les tuer. Des composés comme l’acide maslinique et la dapsone sont ressortis de la liste de l’IA comme possibles « sénomorphiques » qui atténuent les effets néfastes des cellules sénescentes. L’IA offre ainsi un moyen de redécouvrir ou de réorienter l’usage de médicaments existants ou de composés naturels pour la longévité, que la recherche aurait pu négliger autrement.
Une autre approche par l’IA est le repositionnement de cibles : dénicher des protéines de l’organisme dont la modulation pourrait influer sur le vieillissement. Par exemple, un système d’IA entraîné sur la littérature scientifique a pointé les récepteurs CCR5 (liés à l’inflammation) et l’hormone PTH (parathormone) comme nouvelles cibles potentielles de longévité. Elles n’avaient pas été identifiées auparavant comme cibles anti-âge, mais des données indiquent qu’elles participent à l’inflammation liée à l’âge et à l’entretien des tissus. De telles percées peuvent orienter de nouvelles études (ou inciter à tester des inhibiteurs de CCR5 déjà existants pour d’éventuels effets géroprotecteurs).
Impact sur la recherche sur la longévité
Le mariage de l’IA et de la recherche sur la longévité accélère les progrès sur plusieurs fronts:
Découverte de médicaments
Plusieurs entreprises de biotechnologie axées sur la longévité s’appuient maintenant sur l’IA. Calico (initiative de Google dans la longévité), BioAge et Insilico Medicine comptent déjà des molécules découvertes par IA en essais cliniques. BioAge, par exemple, utilise l’IA pour analyser des bases de données sur le vieillissement humain (analyses sanguines de personnes longévives) et identifier des cibles thérapeutiques ; l’entreprise a lancé des essais de médicaments pour le vieillissement musculaire et immunitaire d’après ces découvertes. En 2025, on recense au moins dix molécules issues de l’IA ou de méthodes de data mining dans des essais cliniques contre des problèmes liés à l’âge.
Thérapies combinées
Le vieillissement est multiforme, et l’IA excelle à dénicher des synergies ou des approches multi-cibles. Des modèles d’apprentissage machine ont servi à prédire des effets conjugués de paires de médicaments pouvant agir sur plusieurs « piliers du vieillissement » à la fois. Par exemple, on peut demander à une IA de classer quelles paires de médicaments existants (p. ex. un anti-inflammatoire et un stimulant métabolique) produiraient ensemble un effet démesuré sur la durée de vie. Cela pourrait guider des essais chez l’humain combinant, mettons, la metformine et un mimétique de l’exercice, ou d’autres polythérapies pour la longévité. (Ne jetez pas tout de suite vos chaussures de course.)
Développement de biomarqueurs
L’IA aide à découvrir de nouveaux marqueurs du vieillissement (comme les horloges épigénétiques) qui permettent d’évaluer rapidement l’efficacité d’une intervention. Plutôt que d’attendre des années pour voir si les gens vivent plus longtemps, les chercheurs utilisent des biomarqueurs dérivés de l’IA (p. ex. l’âge de la méthylation de l’ADN, l’âge transcriptomique, etc.) comme critères de substitution. C’était le cas dans l’essai CALERIE sur la restriction calorique, où une horloge IA basée sur la méthylation de l’ADN (DunedinPACE) a pu mesurer un ralentissement du vieillissement – nous en reparlerons dans la section sur l’alimentation.
En somme, l’IA agit comme un puissant multiplicateur. Elle ne remplace pas la science de laboratoire ou les essais cliniques, mais elle dope la génération d’hypothèses et l’optimisation. En filtrant le bruit de données biologiques complexes, l’IA repère les leviers les plus prometteurs pour influer sur le vieillissement. Le fait que le milieu académique comme l’industrie s’en emparent en dit long : même le National Institute on Aging finance des projets d’IA destinés à cartographier les changements cellulaires liés à l’âge.
Produits pharmaceutiques pour la longévité (métformine, rapamycine, stimulateurs de NAD+, etc.)
Plusieurs médicaments existants retiennent l’attention pour leur potentiel à prolonger la durée de vie ou du moins la période de bonne santé (healthspan). Contrairement aux thérapies géniques ou cellulaires, ces produits pharmaceutiques pourraient se prendre sous forme de pilules – ce qui les rend attractifs pour une utilisation à grande échelle si leur efficacité est prouvée. Voici un tour d’horizon des plus prometteurs :
La métformine – d’un traitement antidiabétique à géroprotecteur?
La métformine, un médicament sûr et peu coûteux contre le diabète, est sans doute la « pilule de longévité » la plus connue.
Il y a une dizaine d’années, des études épidémiologiques ont surpris en montrant que des diabétiques sous métformine vivaient plus longtemps que des personnes en bonne santé non diabétiques. Dans une vaste étude britannique, les patients atteints de diabète de type 2 prenant de la métformine ont affiché un taux de survie médian environ 15 % plus élevé que des non-diabétiques du même âge (Can people with type 2 diabetes live longer than those without? A comparison of mortality in people initiated with metformin or sulphonylurea monotherapy and matched, non-diabetic controls - PubMed).
Ces résultats (des personnes sous métformine vivant plus longtemps que celles sans la maladie) laissaient entendre que la métformine pourrait conférer des effets anti-âge généraux, et pas seulement gérer le diabète. Chez l’animal (souris, vers, etc.), la métformine prolonge la durée de vie dans certains cas, probablement en améliorant les profils métaboliques et inflammatoires. Elle agit un peu comme un « mimétique » de la restriction calorique, en activant les défenses cellulaires (voie AMPK, etc.) et en réduisant l’insuline. Les recherches se sont toutefois affinées depuis.
Le domaine attend avec impatience le lancement du grand essai TAME (Targeting Aging with Metformin), conçu pour voir si la métformine peut retarder l’apparition de maladies chroniques chez les aînés. En 2025, TAME n’a pas encore vraiment démarré (des questions de financement ont ralenti le projet), mais des essais plus modestes ont donné des indications. L’essai MILES a constaté que la métformine induisait chez des adultes plus âgés non diabétiques certains changements génétiques « rajeunissants » (A Critical Review of the Evidence That Metformin Is a Putative Anti-Aging Drug That Enhances Healthspan and Extends Lifespan - PubMed). Une analyse critique récente conclut que, malgré le potentiel de la métformine, il reste incertain qu’elle prolonge véritablement la durée de vie de personnes en parfaite santé.
Il est évident que la métformine améliore la santé et la longévité des gens atteints de troubles métaboliques ou prédiabétiques – par ex. réduction des maladies cardiovasculaires, du déclin cognitif ou du cancer chez les diabétiques –, ce qui se traduit indirectement par une meilleure longévité. Mais, pour une personne déjà en bonne santé et mince, les bénéfices sont probablement inexistants. Les futurs essais cliniques devraient clarifier quels groupes en profitent le plus. En l’absence de résistance à l’insuline, ça ne semble pas être une priorité.
La rapamycine – la vedette actuelle de la recherche anti-âge
S’il fallait désigner un seul médicament aujourd’hui comme le plus convaincant pour son potentiel anti-âge, la majorité des géro-scientifiques pointeraient la rapamycine.
La rapamycine (un inhibiteur de mTOR) prolonge systématiquement la durée de vie chez l’animal : les souris traitées vivent environ 10 à 25 % plus longtemps, même si le traitement débute à l’âge adulte ou avancé (Rapamycin, the only drug that consistently demonstrated to increase mammalian longevity. An update - PMC).
Fait notable, le programme d’essais d’interventions (Intervention Testing Program) des NIH a constaté que la rapamycine augmentait à la fois la durée de vie médiane et maximale chez des souris génétiquement diverses, prouvant de façon probante qu’une intervention pharmacologique pouvait influer sur le vieillissement. Aucun autre médicament n’a montré des effets de longévité aussi reproductibles dans tant d’études, et sur des souris mâles comme femelles.
Elle agit en imitant la restriction calorique au niveau cellulaire – en inhibant la voie mTOR, sensible aux nutriments, ce qui déclenche l’autophagie (nettoyage cellulaire) et oriente le métabolisme vers un état plus « jeune ». Outre la souris, la rapamycine prolonge également la durée de vie chez la levure et la mouche, et améliore la santé (mobilité, cognition) chez la souris et même chez des chiens de compagnie.
Données humaines et essais cliniques
La rapamycine est déjà approuvée par la FDA (pour prévenir le rejet de greffe d’organes et traiter certains cancers), mais à des doses et sur des calendriers très différents de ceux supposés protéger contre le vieillissement. À forte dose quotidienne, la rapamycine peut provoquer des effets indésirables (hyperglycémie, hyperlipidémie, immunosuppression) (Blazing a trail for the clinical use of rapamycin as a geroprotecTOR - PMC), d’où l’exploration, dans la communauté anti-âge, d’une administration intermittente (par ex. une fois par semaine) pour tirer parti des bienfaits sans effets trop marqués.
Les premières études chez l’humain laissent entrevoir des effets positifs : un petit essai chez des adultes plus âgés a trouvé qu’un analogue de la rapamycine (l’évérolimus), pris une fois par semaine pendant 6 semaines, renforçait la fonction immunitaire, améliorant la réponse vaccinale contre la grippe d’environ 20 %. Cela suggère que la rapamycine peut rajeunir certaines composantes du système immunitaire vieillissant. Cependant, des doses plus fortes (20 mg/semaine) ne se sont pas avérées tolérables à long terme, donc trouver le bon dosage est essentiel.
À l’heure actuelle, plusieurs essais cliniques suscitent un grand intérêt : l’essai PEARL recrute 150 adultes de 50 à 85 ans pour recevoir un placebo ou de la rapamycine (5 ou 10 mg/semaine) pendant un an, afin d’évaluer l’évolution des marqueurs du vieillissement (critère principal : changement de la masse grasse viscérale).D’autres études, comme REACH, testent la rapamycine dans les premiers stades de la maladie d’Alzheimer, vu ses effets neuroprotecteurs chez l’animal. Il existe aussi un essai nommé VIBRANT, qui examine l’impact de la rapamycine sur le vieillissement ovarien chez la femme. Grâce à ces études, on comprendra mieux comment la rapamycine pourrait être utilisée en clinique pour cibler le vieillissement ou des maladies spécifiques associées à l’âge.
Parallèlement, des centaines d’adeptes n’attendent pas les résultats : on estime qu’aux États-Unis, plus de 2 000 personnes prennent déjà de la rapamycine hors AMM (« off label ») dans un but « anti-âge ». Des données d’observation préliminaires indiquent que ces utilisateurs (comparés aux non-utilisateurs) tolèrent assez bien ces doses hebdomadaires (les ulcérations buccales étant l’effet secondaire le plus fréquent).Bien sûr, sans essai contrôlé, impossible de savoir s’ils en tirent un réel bénéfice en termes de longévité.
L’engouement autour de la rapamycine a aussi suscité la création de dérivés (p. ex. RTB101) et l’évaluation de son impact via des horloges épigénétiques. En 2025, la rapamycine demeure le médicament qui allonge le plus régulièrement la durée de vie chez l’animal, et elle est au centre de plusieurs essais cliniques chez l’humain.
Vers 2026–2027, nous disposerons probablement de données plus solides sur son efficacité. Si les résultats se confirment, la rapamycine ou ses analogues de nouvelle génération pourraient devenir un géroprotecteur à prendre dès la quarantaine ou la cinquantaine, pour repousser les maladies du vieillissement.
Les boosters de NAD+ (NR et NMN) – Stimuler la molécule d’énergie cellulaire
Le NAD+ est une molécule présente dans chaque cellule, indispensable au métabolisme et à la réparation de l’ADN. Ses niveaux diminuent avec l’âge, ce qui a été associé à la fatigue, à la baisse du métabolisme et à un affaiblissement des mécanismes de réparation cellulaire.
D’où l’engouement pour les « boosters de NAD+ » comme la nicotinamide riboside (NR) et le nicotinamide mononucléotide (NMN), souvent vendus en suppléments censés « recharger vos cellules ».Chez la souris, l’administration de NR ou NMN peut effectivement élever les niveaux de NAD+ et a montré divers bénéfices (meilleure fonction musculaire, meilleure sensibilité à l’insuline, réparation de l’ADN améliorée) – bref, des cellules plus « jeunes ». Mais qu’en est-il chez l’humain?
Données actuelles
Au cours des cinq dernières années, plusieurs essais cliniques ont testé la NR et la NMN chez l’adulte, avec des résultats mitigés. Bonne nouvelle : ces composés semblent bien augmenter le taux de NAD+ chez l’humain (Dietary Supplementation With NAD+-Boosting Compounds in Humans: Current Knowledge and Future Directions - PMC). Dans des études portant sur des adultes d’âge moyen ou avancé (300–1 000 mg/jour de NR ou NMN), on a constaté que les métabolites du NAD+ augmentent nettement dans le sang.
Ces suppléments sont généralement bien tolérés, avec peu d’effets secondaires. Un essai a montré qu’une supplémentation en NR diminuait légèrement la pression artérielle systolique et la rigidité artérielle chez des personnes plus âgées présentant une pression de base élevée, mais ces changements n’étaient pas toujours significatifs.
Un autre essai contrôlé par placebo chez des hommes âgés en bonne santé a révélé qu’une prise de NMN (250 mg/jour pendant 12 semaines) élevait les niveaux de NAD+ d’environ 70 %, mais sans amélioration marquée de la force musculaire, de la vitesse de marche ou d’autres mesures fonctionnelles.Dans l’ensemble, plusieurs essais concluants indiquent que la prise de boosters NAD+ sur une courte durée chez des adultes globalement en bonne santé donne peu ou pas de bénéfices observables. Il se peut que les études soient trop courtes ou trop petites, ou tout simplement qu’il n’y ait pas grand-chose à en tirer. Par ailleurs, chez la souris, on a observé un léger signal indiquant plus de cancers avec la hausse du NAD+, mais les implications ne sont pas claires.
Jusqu’ici, on a donc une preuve de mécanisme (le NAD+ augmente) sans preuve d’effets cliniques significatifs. Les consommateurs doivent aussi savoir que, classés comme suppléments, ils ne sont pas réglementés de la même manière que les médicaments – et qu’en 2022, la FDA a même statué que la NMN ne pouvait plus être vendue comme supplément (étant donné qu’elle est en cours d’évaluation comme médicament).
Conclusion : même si les boosters de NAD+ semblent prometteurs en théorie, on ne dispose pas encore de preuve solide pour justifier leur usage préventif. En pratique, l’exercice et une saine alimentation stimulent naturellement la production de NAD+ (et bien d’autres voies bénéfiques) – un combo à privilégier avant tout.
Alimentation & jeûne – Le rôle de la nutrition dans la longévité
L’un des leviers les plus puissants pour prolonger la vie chez de nombreuses espèces est l’alimentation. La restriction calorique (RC) et le jeûne intermittent (JI) sont deux approches qui ont démontré des bénéfices en matière de longévité dans des modèles animaux. Voyons où en est la recherche, et ce que cela implique (ou pas) pour l’humain :
La restriction calorique (RC)
Il s’agit d’une réduction soutenue de l’apport énergétique (de l’ordre de 20 à 40 % de moins que l’alimentation à volonté, sans causer de carences). Depuis plus de 80 ans, les études montrent que la RC prolonge la vie chez des organismes allant de la levure et des vers aux souris. Chez les rongeurs, un régime hypocalorique à vie peut augmenter la durée de vie de 30 à 50 %, et même en commençant à l’âge adulte, on observe un allongement notable (Intermittent and periodic fasting, longevity and disease - PMC). Surtout, la RC retarde aussi l’apparition des maladies liées à l’âge : les souris soumises à la RC ont moins de cancers, de maladies cardiaques ou neurodégénératives.
Chez les primates non humains (macaques rhésus), les résultats ont été plus nuancés : deux études à long terme (à l’Université du Wisconsin et aux NIH) ont d’abord abouti à des conclusions différentes sur la longévité, mais une relecture attentive a montré qu’une RC modérée (avec alimentation saine) améliorait la survie des singes, tandis qu’une RC trop stricte ou une alimentation de moindre qualité n’avaient pas cet effet. Concrètement, les singes nourris à 30 % de calories en moins (avec un régime équilibré) avaient un risque réduit de diabète, cancer, et maladies cardiovasculaires, et semblaient vivre plus longtemps que ceux nourris à volonté.
Données humaines sur la RC
Un essai de 50 ans chez l’humain est impensable, mais des études plus courtes nous informent déjà. Mentionnons surtout l’essai CALERIE, financé par les NIH : pendant deux ans, de jeunes et moins jeunes adultes (non obèses) ont tenté de réduire leur apport calorique d’environ 15 %, comparés à un groupe témoin sans restriction.
Résultats publiés en 2022-2023 : même cette RC modérée a nettement amélioré divers marqueurs de santé (cholestérol, tension artérielle, inflammation, etc.). Plus fascinant encore, elle a ralenti certains marqueurs du vieillissement biologique. Selon l’analyse basée sur la méthylation de l’ADN (des « horloges de vieillissement »), le rythme de vieillissement du groupe RC était environ 2-3 % plus lent que celui du groupe témoin.
Cela peut paraître faible, mais on estime que cela pourrait correspondre à une diminution de 10-15 % du risque de mortalité – similaire à l’avantage lié à l’arrêt du tabac. Autrement dit, la restriction calorique semble réellement ralentir le vieillissement biologique chez l’humain.
En contrepartie, les participants ont ressenti quelques inconvénients (ex. perte de masse musculaire dans certains cas, sensibilité accrue au froid, et, sans surprise, faim/irritabilité). Sur le long terme, la RC peut réduire la densité osseuse, la libido, et se révèle peu pratique pour beaucoup de gens. Elle est également déconseillée aux personnes déjà minces ou souffrant de problèmes de santé. Néanmoins, c’est une découverte scientifique majeure : le corps humain réagit à la restriction calorique comme chez l’animal, en basculant dans une physiologie de préservation qui pourrait ralentir les processus de vieillissement.
Jeûne intermittent (JI) et restriction alimentaire dans le temps
Depuis peu, on s’intéresse à des méthodes qui jouent sur le moment où l’on mange, plutôt que sur la quantité. Le jeûne intermittent englobe divers protocoles : 16:8 (16 heures de jeûne, 8 heures de fenêtre alimentaire), 5:2 (deux jours par semaine à fort déficit calorique, cinq jours d’alimentation normale), ou le jeûne un jour sur deux, etc. Les études sur l’animal montrent qu’un grand nombre de ces régimes de JI peuvent prolonger la durée de vie presque autant qu’une restriction calorique continue, notamment parce que le jeûne active des réponses de stress bénéfiques (autophagie, meilleure sensibilité à l’insuline), similaires à la RC. Chez la souris, même sans réduire le total calorique hebdomadaire, simplement allonger la période de jeûne quotidien améliore la santé métabolique et la longévité.
Données humaines sur le jeûne
Les données à long terme manquent encore, mais plusieurs études à court et moyen terme suggèrent des bienfaits métaboliques. Par exemple, des recherches sur le jeûne un jour sur deux (alternate-day fasting, ADF) chez des adultes en surpoids ont montré une perte de poids, une baisse du cholestérol LDL et des triglycérides, une diminution de l’insuline, et une meilleure sensibilité à l’insuline.Un essai a rapporté qu’après 6 mois, l’ADF était à peu près aussi efficace qu’une restriction calorique quotidienne en termes de perte de poids et d’effets métaboliques, avec un impact même plus prononcé sur le profil lipidique (hausse du HDL et baisse du LDL). D’autres protocoles de jeûne (p. ex. 5:2) affichent des résultats comparables : abaissement de la pression artérielle et des marqueurs de stress oxydatif.
Dans une revue récente, Longo et Mattson ont souligné que le jeûne intermittent active les mêmes voies de longévité que la RC (baisse de l’IGF-1, amélioration de la sensibilité à l’insuline, etc.), avec peut-être un protocole plus facile à maintenir. Ils notent aussi que les bienfaits se jouent pendant la phase de réalimentation, où l’organisme, après ce stress, reconstruit ses cellules et tissus de manière plus résiliente.
Il est toutefois important de souligner que les études humaines sur le jeûne en tant que stratégie de longévité en sont encore à leurs balbutiements. Nous ignorons si les personnes qui jeûnent sur plusieurs décennies vivront effectivement plus longtemps, car il faudrait de longues études pour le prouver. Mais de nombreux indices indirects sont positifs : meilleure santé cardiovasculaire, moindre inflammation, autophagie accrue, perte de masse grasse (surtout la graisse viscérale, liée à l’espérance de vie). On s’attendrait à voir un risque de maladie plus faible. Des recherches en cours examinent si le jeûne intermittent peut influer sur des affections liées au vieillissement (p. ex. fonctionnement cognitif) ou gérer des maladies comme le diabète, tout en prolongeant la santé. À ce stade, il semble surtout que les bénéfices découlent principalement de la diminution des calories totales.
Précautions & individualisation
Le JI ne convient pas à tout le monde – certaines personnes (particulièrement celles déjà maigres ou ayant certains problèmes de santé) peuvent ressentir fatigue, irritabilité ou carences si le jeûne n’est pas fait prudemment. Le consensus actuel : adopter une fenêtre de jeûne modérée (p. ex. jeûner 14 heures la nuit) est en général sans danger et peut s’intégrer à un mode de vie sain, mais le jeûne strict ou prolongé (à l’eau seulement, etc.) nécessite un encadrement médical et une motivation précise. De plus, ce que l’on mange pendant la fenêtre alimentaire reste crucial – le jeûne ne donne pas carte blanche pour se gaver de malbouffe.
Au-delà de la RC et du JI, on s’intéresse à la composition même de l’alimentation. Les régimes riches en végétaux (ex. méditerranéen) sont corrélés à la longévité dans plusieurs études épidémiologiques. On étudie aussi la restriction protéique ou celle de certains acides aminés (comme la méthionine) qui, chez l’animal, peut prolonger la vie en modulant les voies de croissance. On cherche à savoir si ces ajustements diététiques pourraient fournir une partie des bénéfices de la RC sans la pratiquer à l’extrême.
En résumé, les grands principes alimentaires pour la longévité demeurent : une alimentation variée, nutritive, avec un apport adéquat en protéines, surtout végétales. Mieux vaut mettre l’accent sur la qualité et la diversité des aliments que sur la restriction stricte. Ce sont les habitudes qui ont le plus d’impact sur la durée de vie en bonne santé.
Démystifier les modes sur les médias sociaux et la pseudoscience
La popularité croissante de la longévité s’accompagne malheureusement d’un lot de spéculations et de « trucs » pseudo-scientifiques sur les réseaux sociaux. On y voit régulièrement des influenceurs vanter des régimes extrêmes ou des suppléments miracles censés prolonger la vie – sans aucune preuve crédible. Ils savent très bien paraître convaincants, je l’accorde. Chaque fois que j’entends commencer une vidéo par « Gary Brecka » ou « Ma routine matinale débute par… » avec quelqu’un d’incroyablement jeune, dans une maison de rêve, tenant un jus vert d’une main en route vers son cold plunge, je fais passe au suivant. Par jalousie? Peut-être. Mais honnêtement, si vous avez tout ce temps chaque matin, tant mieux pour vous. Pour le commun des mortels, voici quelques modes à ignorer.
« Détox » et « superaliments »
Un mythe tenace : il faut des cures de jus détox, des thés nettoyants ou des « superaliments » pour « éliminer les toxines » et rester jeune. En réalité, il n’existe aucune preuve scientifique qu’un jus nettoyant de courte durée supprime quelque toxine ou ait un effet durable sur le vieillissement. Nos foies et nos reins sont déjà très performants pour détoxifier le corps ; aucune concoction de citron ou de piment de Cayenne ne va booster ce processus. De même, si des aliments comme les bleuets, le chou frisé ou l’açaï sont sains, le terme « superaliment » relève surtout du marketing – la longévité repose sur une alimentation équilibrée, pas sur la surexploitation d’un ingrédient soi-disant magique. En outre, si les antioxydants sont globalement bénéfiques, en abuser peut avoir l’effet inverse.
Suppléments d’antioxydants à mégadoses
Autrefois, on croyait qu’ingérer beaucoup d’antioxydants (vitamines A, C, E, bêta-carotène) ralentirait le vieillissement en neutralisant les radicaux libres. Cette idée ne s’est pas confirmée : les essais cliniques suggèrent même des effets négatifs à fortes doses. De grandes méta-analyses ont montré qu’une consommation élevée d’antioxydants ne prolonge pas la vie et peut parfois augmenter la mortalité. Une revue exhaustive concluait qu’un excès de bêta-carotène et de vitamine E au-dessus des AJR accroit sensiblement le risque de décès (Meta-Regression Analyses, Meta-Analyses, and Trial Sequential Analyses ... PLOS ONE).
La vitamine A montrait aussi une tendance à accroître la mortalité.Le mécanisme probable est que le stress oxydatif n’est qu’un facteur parmi d’autres du vieillissement, et nos cellules ont besoin d’un certain degré d’oxydation pour leur signalisation. En saturant l’organisme d’antioxydants, on perturbe cet équilibre et on peut même freiner certaines réponses bénéfiques au stress (comme l’adaptation à l’exercice).Conclusion : consommer des antioxydants par le biais d’une alimentation riche en fruits et légumes, très bien ; s’injecter des mégadoses de suppléments, pas un raccourci vers la longévité et potentiellement risqué.
Les suppléments « anti-âge » en vente libre (sénolytiques, boosters de NAD+, etc.)
Comme on l’a vu, la recherche sur les sénolytiques ou les boosters de NAD+ est prometteuse, mais beaucoup se sont emballés. Des gens prennent des cocktails supposés sénolytiques (D+Q, fisétine) ou du NMN, du resvératrol, etc., en s’appuyant sur des affirmations anti-âge plus fortes que les preuves disponibles. Un gérontologue de la Mayo Clinic a récemment prévenu que beaucoup de personnes consomment ces combinaisons sans savoir si leur charge en cellules sénescentes est assez élevée pour en bénéficier, ni la dose requise pour être efficace en toute sécurité. Autrement dit, c’est un pari risqué.
Approchez-vous de ces suppléments avec prudence et parlez-en à des professionnels de la santé. Le meilleur « supplément » est souvent celui dont vous êtes réellement carencé. Plot twist: la majeure partie du temps c'est une déficience en vitamine E, mais « E » pour «Exercice».
Les transfusions de sang jeune et autres « biohacks » extrêmes
Il y a quelques années, des startups offraient des perfusions de plasma sanguin jeune à une clientèle âgée, inspirées par des études de parabiose chez la souris. La FDA a rapidement mis en garde le public, déclarant qu’aucune preuve ne soutient l’idée que le sang jeune combat le vieillissement ou la perte de mémoire, et que la procédure présente des risques sérieux (NBC News: 'Young blood' company Ambrosia halts patient treatments after FDA warning | Stanford Health Care). Ces compagnies ont depuis interrompu leurs essais controversés.
Autre tendance : l’oxygénothérapie hyperbare contre le vieillissement. Une petite étude en 2020 affirmait qu’une séance quotidienne dans une chambre hyperbare pendant 60 jours augmentait de ~20 % la longueur des télomères chez des adultes plus âgés. Bien que ce soit intéressant, il ne s’agissait pas d’une étude sur la longévité, et la seule mesure de la longueur des télomères ne suffit pas à prouver un effet anti-âge. Faute de résultats sur la survie ou la fonction globale, investir des milliers de dollars dans une chambre hyperbare ou du sang jeune n’est pas justifié.
Autres « trucs » bien-être
Les réseaux sociaux fourmillent d’autres conseils douteux – eau alcaline, pratiques de « mise à la terre » (earthing), etc. – la plupart du temps sans base scientifique. Beaucoup de ces méthodes sont inoffensives mais tout aussi inefficaces. Certaines sont dangereuses : boire uniquement de l’eau « brute » non traitée augmente le risque d’infection ; un régime à 100 % de fruits peut causer des carences importantes.
Lorsqu’on parle de longévité, la source compte. Les études évaluées par des pairs et les essais cliniques doivent peser plus lourd qu’une publicité ou une vidéo sponsorisée. Le vrai progrès est souvent plus nuancé : le bain froid, par exemple, peut avoir des bénéfices sur la santé, mais prétendre qu’il « double » votre espérance de vie est exagéré. Méfiez-vous surtout de ceux qui vendent des produits coûteux ou réclament des paiements importants d’avance (certains cliniques anti-âge facturent des dizaines de milliers de dollars pour des thérapies non validées).
La quête de la longévité est en train de franchir un cap plus rigoureux et scientifique – on passe du remède miracle à la vraie recherche. Ce qui n’exclut pas l’obligation de rester prudent et de distinguer les faits de la fiction.
En conclusion
La médecine de la longévité en 2025 se situe à un carrefour palpitant. Nous disposons de thérapies géniques capables de reprogrammer l’horloge cellulaire, de médicaments qui éliminent les cellules sénescentes et rajeunissent les tissus, et de l’IA pour accélérer la découverte de nouvelles interventions. Le jeûne et la restriction calorique prouvent que de simples modifications du mode de vie peuvent réorienter notre biologie vers une plus longue durée de vie, tandis que de nouveaux médicaments comme la rapamycine et la métformine laissent entrevoir un avenir où l’on pourrait cibler le vieillissement lui-même comme une condition médicale.
En parallèle, il demeure crucial de garder un œil critique – accueillir l’innovation tout en se méfiant des affirmations sans fondement. Toutes les « pilules anti-âge » ou techniques à la mode ne se valent pas, et certaines resteront sans suite.
Ce qui frappe, c’est la rapidité des avancées. Il y a cinq ans, parler de « réversion de l’âge » relevait de la folie ; aujourd’hui, le sujet figure dans les meilleures revues scientifiques. À mesure que la recherche progresse, nous pourrions redéfinir la notion de « vieillesse », repoussant cancers, démences et fragilité dans nos 80 ou 90 ans, voire au-delà. Nombreux sont ceux qui rappellent que l’objectif n’est pas l’immortalité, mais l’extension de la « santé tout au long de la vie » – maximiser les années vécues en bonne condition physique et mentale. Les percées décrites ici servent précisément ce but : maintenir nos cellules et nos systèmes plus jeunes, pour qu’un plus grand nombre d’entre nous profitent d’une vitalité prolongée.
Les prochaines années seront décisives : nous attendons avec intérêt les résultats d’essais cliniques clés (TAME, PEARL, etc.), qui diront quelles interventions sont prêtes à être déployées. Nous sommes dans une ère d’espoir, où le vieillissement n’est plus perçu comme une fatalité immuable, mais comme un processus modulable que nous pouvons mieux comprendre et influencer. À l’intersection de la biotechnologie, de la pharmacologie et de l’hygiène de vie, le rêve d’ajouter «de la vie aux années, et pas seulement des années à la vie» n’a jamais été aussi tangible. Il faudra valider soigneusement chaque progrès et veiller à ce que tout le monde y ait accès. Mais si nous y parvenons, les avancées en médecine de la longévité promettent non seulement de prolonger la vie, mais de prolonger la vie en bonne santé pour des millions de personnes dans les générations à venir.
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Julien